Il faut 3 vies pour réussir un projet innovant

Le cycle de vie de l'innovation

12/22/20243 min read

Dans un article publié en 2008, mais assurément toujours d’une grande actualité, Noam Wasserman , Professeur à la Harvard Business School, évoque le fait de 50% des fondateurs de start-up ne sont plus CEO dès la 3ème année, ce ratio monte à 60% durant la 4ème année, et les ¾ sont partis avant l’IPO. Cette observation est d’autant plus douloureuse que dans 73% des cas, la transition n’est pas « consensuelle » ; en clair, le fondateur est démis de ses fonctions de CEO, contre sa volonté.

Le fameux rapport à l’échec de l’entrepreneur se matérialise donc dans un double piège. Bien sûr, dans l’échec du projet tel que nous l’avons illustré dans le chapitre précédent… mais aussi, et de manière plus insidieuse, parfois dans l’échec en tant que leader alors que le projet est, lui, parfois sur la voie du succès.

Cette dure réalité est difficile à admettre. Psychologiquement tout d’abord, parce que le lien entre l’entrepreneur et son entreprise est en premier lieu affectif. Se voir retirer son bébé pour en confier la garde à une tierce personne est donc une blessure profonde. Jack Dorsey évoque la nouvelle de son éviction en 2008 du poste de CEO de Twitter qu’il a fondée comme « un coup de poing dans l’estomac ».

L’explication de ces issues douloureuses que nous souhaitons proposer au lecteur se trouve dans la nature même de la dynamique de croissance de la start-up. Il faut voir, de notre point de vue, cette dernière non pas comme une séquence faite de périodes différentes, mais comme un enchaînement de vies totalement distinctes.

Dans le cadre des travaux que nous avons conduits, nous avons identifié 3 grandes périodes, qu’il faut regarder comme 3 vies différentes pour construire un succès. 3 vies pour le projet, pour l’organisation… et pour le leader.

1ère vie : l’exploration

Trouver et confirmer le product-market fit. Les mots d’ordre sont : tester les fondamentaux et les hypothèses clés, essayer, pivoter, jusqu’à ce que cela marche. L’entrepreneur n’a pas de client, mais des alpha-testeurs, il n’a pas de produit mais une plate-forme pour comprendre comment adresser le problème et des briques technologique pour confirmer que cela devrait marcher le moment venu, il n’a pas de business model. En bref, la start-up n’est pas encore une entreprise.

2ème vie : l’émergence organisationnelle

Ayant validé son hypothèse de product-market fit, il s’agit maintenant d’apprendre à exécuter et développer une organisation à cette fin. La start-up devient une entreprise. Elle recrute, elle a maintenant des clients. Un organigramme avec des définitions de poste émerge. On itère toujours beaucoup mais pour apprendre à exécuter, sur le produit, les services, les différentes composantes du business model pricing, supply, vente, marketing… Le leader doit commencer à déléguer.

3ème vie : le scale

Le projet a trouvé son hypothèse de product-market fit, l’organisation et le modèle d’exploitation sont en place. La phase de conquête peut démarrer. Il s’agit maintenant de prendre position sur les marchés clés. On recrute en masse, on lève beaucoup de fonds pour financer cette croissance. Comme dans toutes les conquêtes, le chaos prévaut. Des équipes sont en place, mais pas le management. Des problèmes surgissent partout. Un concurrent engage un procès pour vous ralentir. Un fournisseur clé arrête de vous livrer. Des incendies démarrent partout. Comme l’évoque Reid Hoffmann dans son (excellent) livre, Blitsscaling, il faut choisir les incendies que l’on éteint et ceux que l’on laisse se consumer. Des opportunités de croissance externe vont souvent émerger, avec leur lot de pièges et de difficultés. A la fin de cette phase, l’entreprise est devenue un acteur important de son marché.

3 vies différentes, pour le projet, pour l’organisation, pour le leader !!!

(extrait d’Objectif:Mars !, Alain Bloch - Bruno Martinaud (Pearson 2022))