La Loi de Puissance : comprendre le succès de l'entrepreneuriat et de l'Innovation

Aligner les planètes du système solaire de l’innovation ou de la start-up

Bruno Martinaud

12/30/20244 min read

On entend souvent dire que le succès entrepreneurial et celui de l’innovation suivent une loi de puissance. Mais qu’est-ce que cela signifie vraiment ? Quels enseignements peut-on tirer de cette observation pour mieux comprendre les dynamiques à l’œuvre dans les écosystèmes entrepreneuriaux ? Plongeons donc, pendant quelques instants, dans le sujet !

L’observation initiale

L’investissement en capital-risque (K risque) est un terrain fertile pour analyser cette loi. En effet, les performances moyenne du capital-risque constituent une bonne approximation de la loi de succès des start-up, et de l’innovation en général.

Les statistiques sur le sujet mettent en évidence un fait frappant : 90% des investissements sont soit perdus ou sous-performent ! Donc beaucoup de perdants et peu de gagnants… mais des grands gagnants.

In-fine l’investissement en capital-risque représente une classe d’actif qui performe aussi bien sinon mieux que la bourse, mais en suivant une loi particulière.

Tentative d’analyse

Comment expliquer cette concentration de succès ? Certains marchés, notamment ceux assis sur des écosystèmes de plate-forme, induisent une dynamique « winner takes all » qui représente une occurrence extrême de cette loi de puissance. Toutefois, beaucoup de marchés ne suivent pas cette dynamique du « winner takes all », et autorisent l’émergence de plusieurs gagnants. Et donc, pourquoi et comment cette loi de puissance ?

Les mathématiques nous apprennent qu’un événement « causé » par des variables aléatoires dépendantes va tendre vers une distribution gaussienne (théorème centrale-limite (caractérisé donc par une faible variation par rapport à la moyenne ; le risque est donc « cadré » en quelque sorte). Et la loi de puissance, de son côté, caractérise des événements qui reposent sur des variables aléatoires interdépendantes, lesquelles créent, dans certaines conditions un phénomène d’amplification. En d’autres termes, pour qu’une innovation ou une start-up réussissent, il faut que les « planètes » du système solaire entrepreneurial s’alignent.

Mais lors la question-clé devient : quelles sont ces planètes qu’il faut aligner ? Nous en proposons 4 :

  1. Product-market fit : C’est là le point focal de toute innovation, d’arriver à construire une offre qui va être en adéquation suffisamment forte avec un marché. C’est là l’objectif principale de la première du projet : explorer pour trouver le product-market fit.

  2. Grand marché : Ensuite, bien évidemment, la taille du terrain de jeu joue également un rôle important. L’opportunité doit s’inscrire dans un marché suffisamment large pour permettre d’avoir un impact significatif. En d’autres termes, il faut un grand problème, lequel doit également se convertir en un grand marché.

  3. Founder-project fit : C’est là un critère qui pèse de plus en plus lourd dans l’appréciation d’un projet. Les investisseurs parlent de « founder-market fit ». C’est là une notion que nous préférons substituer par une notion plus large, celle de « founder-project fit ». Les fondateurs doivent être alignés avec leur projet en termes de compétences, de compréhension des enjeux techniques, stratégiques (c’est le « fit » avec le marché), mais aussi, de vision, de passion et d’engagement (c’est là, le « fit » projet dans son ensemble), il faut non seulement les compétences et le talent, mais aussi ce supplément d’âme qui suggère que les fondateurs ont trouvé le bon combat.

  4. Timing : L’idée doit être mise en œuvre au bon moment, ni trop tôt ni trop tard. Bill Gross dans une célèbre conférence TED, « The single biggest reason why start-ups succeed », développe les principaux facteurs de succès d’un projet innovant, et arrive à la conclusion suivante :

L’idée forte développée par Bill Gross est que le timing est, d’assez loin, le principal facteur de succès, la plus grosse des planètes du système de l’innovation. Être là au bon moment ! Hier était trop tôt et demain sera trop tard ! Cette idée englobe partiellement la notion de product-market fit et de marché : le marché est prêt, l’environnement permet dès lors à votre solution de marcher. La limite de cette analyse sur le timing tient au fait qu’elle permet d’expliquer a posteriori le succès ou l’échec. Il est difficile, dans l’instant, de savoir si le timing est bon … ou pas. Pour autant la question est utile.

Et donc, In fine, quand ces planètes s’alignent, le projet a des chances d’être du bon côté de la loi de puissance.

Les conséquences

L’un des grands enseignements de cette loi de puissance consiste aussi à se rappeler que l’incertitude règne en maître.

Eh oui, même les meilleurs d’entre nous se trompent dans 9 cas sur 10 !

La clé réside donc dans la capacité à avancer dans l’incertitude et à en avoir conscience. C’est une composante essentielle du « founder-market fit » : avoir une équipe qui sait naviguer dans la pénombre, qui sait affronter des challenges que nul ne prévoyait, et qui sait apprendre, sortir de sa zone de confort pour les régler lorsqu’ils suiviennent. En d’autres termes, une équipe de problem-solver, plus que de techniciens.

La seconde conséquence consiste à se rappeler et à accepter que les motivations initiales soient, pour beaucoup, de l’ordre de l’irrationnel, car l'analyse rationnelle précoce de tout projet conduira toujours à ne pas le faire (nous reviendrons sur cette idée dans un prochain post). Et faire de cette motivation irrationnelle une force, et non une faiblesse. Une force qui poussera à continuer à avancer, alors que – rationnellement – tout incite à arrêter.

Ainsi, voici survolés très rapidement quelques traits de cette loi de puissance appliquée à l’innovation et l’entrepreneuriat.

La loi de puissance n’est pas seulement une curiosité mathématique dont on constate qu’elle décrit bien l’innovation. Elle invite à réinventer la manière d’aborder les projets, et à repenser la gouvernance, en conséquence.