L'Europe produit moins de licornes que la Silicon Valley

Penser grand, avancer vite, n'avoir peur de rien

Bruno Martinaud

1/1/20254 min read

Penser grand, aller vite, n'avoir peur de rien…
Il y a moins de licornes en Europe

Dans l'introduction de notre livre, co-écrit par Alain Bloch et moi-même, Objectif: Mars!, publié en 2022 nous évoquions le fait que l'Europe héberge a peu près 2 fois plus de programmes d’accompagnement de start-up, elle produit un nombre cohérent de projets… mais ceux-ci se transforment en moins de licornes, beaucoup moins. Les Etats Unis et la Chine suivent une tendance inverse, maintenant leur poids en nombre de licornes pour les US, et l’augmentant pour la Chine. Concrètement, en 2019, un étude de McKinsey suggérait que l'Europe produit 30% des startup, mais seulement 14% des licornes.

Plus récemment le tableau de statistiques publiés par CB-I (CB Insight Global Unicorn Club) en décembre 2024, confirme ce fait, l'Europe produit 2,5 fois moins de licornes que la Silicon Valley… Certes le microclimat particulièrement favorable à l'initiative entrepreneuriale qui y règne depuis plusieurs décennies semble expliquer cela.

Capitaux, réseaux, compétences, recherche sont les ingrédients communément admis pour que la recette de cuisine réussisse… Pour autant, la Communauté Economique Européenne est la 3ème puissance économique mondiale ? Et la Silicon Valley est un territoire qui représente la taille de la région parisienne ?

Il semblerait que nos entrepreneurs qui sont présents et accompagnés au début de la course ne convertissent pas les promesses initiales, aussi bien qu'ailleurs…

Licornes, really ?

On peut bien sûr, argumenter que le concept même de licorne est largement subjectif et spéculatif. Atteindre une valorisation d'un milliard lors d'un tour de financement pour accompagner sa croissance, ne signifie pas en tant que tel grand-chose. Nombre de projets ayant été intronisés en tant que licorne, lors de la dernière bulle (avant 2022) ne le sont probablement plus.

Pour autant, derrière le concept de licornes, ce n'est pas tant la valorisation qui est intéressante, que le fait que la start-up est reconnue comme ayant le potentiel de devenir acteur significatif de son secteur, un futur leader.

Et donc, sous cet éclairage, on ne peut que constater que l’Europe performe moins bien.

Pourquoi ?

Les explications communément avancées derrière ce fait sont, la fragmentation des marchés européens (langue, culture, règlementations locales) et une moindre disponibilité du capital. Et ce sont bien sûr des réalités. Les marchés européens sont fragmentés ! Certes. Pour autant, l'entrepreneur, au service de son projet, doit aller là celui-ci pourra se développer au mieux. Sans oublier ses racines européennes, il peut décider de se développer aux US, en Asie, etc. Ainsi Cardiologs, start-up dans la santé, a trouvé son premier marché aux US (comme nombre de start-up dans la santé), tout sachant rester française. La fragmentation des marchés est une contrainte et non un obstacle, dans le développement d’un projet.

Quand à la disponibilité du capital, on peut constater que l'écart s'est réduit, et qu'il y a des acteurs susceptibles d'accompagner les grands tours de table pour financement le scale. En outre, il convient d'observer que le capital suit et accompagne les talents. Et donc, une moindre disponibilité du capital pour financer la croissance provient peut-être, pour partie, d'un moindre nombre de projets prometteurs. C'est là une hypothèse à investiguer.

Le modèle mental

Si la fragmentation des marchés et la disponibilité du capital n'expliquent pas tout, mais alors, quoi ?

L'hypothèse complémentaire qu'Alain Bloch et moi-même avons exploré dans le livre est celle du modèle mental, la façon dont l'entrepreneur, pense, décide et agit pour la croissance de son projet.

A cette fin, nous avons interviewé des entrepreneurs français, européens, américains, chinois, coréens, japonais. Si ces investigations n'ont pas valeur de véritable travail de recherche, elles n'en ont pas moins été le point de départ d’observations fort intéressantes: des clusters inattendus ont ainsi émergé : les entrepreneurs américains et chinois partageant e même référentiel culturel entrepreneurial, le même rapport à la vitesse, la même ambition de faire grand, le même pragmatisme dans l'action, la même capacité à affronter les challenges, à gérer les incertitudes et le chaos de l'exploration et de la croissance. Et curieusement, les entrepreneurs européens (surtout français d'ailleurs (mais c'est à vérifier) partagent le même attitude face aux décisions importantes que leurs homologues sud-coréens ou japonais fondé sur une maîtrise des risques, sur l'analyse.

Mais, cette pensée analytique si elle est féconde dans un monde contrôlable et prévisible, l'est beaucoup moins dans l'incertitude de l'exploration et le chaos de la croissance.

De manière intéressante, le référentiel culturel de la Silicon Valley (et par extension américain) et qui est partagé avec la Chine est fondé sur 3 valeurs cardinales

  • Avancer vite

  • Penser grand

  • N'avoir peur de rien

N'est-ce cela qui manque à nos entrepreneurs ? N’est-ce pas ainsi que l'on devrait les former ? Apprendre à penser leur projet autour de ces 3 valeurs, et pas seulement lire et relire , "Lean Startup" et "Business Model generation" ?